Date: 30 Oct 96 03:06:25 EST From: jc mullen <100663.643-AT-CompuServe.COM> Subject: M-TH: Review of Pipes? Here is a review of Pipes history of the Russian revolution in French. But it's not so hard to find the problems in the book : one paragraph on the death of millions in the first world war, forty pages on "The murder of the tsarist royal family" about sums it up. Les mensonges de l'ennemi Il n'est pas suffisant pour nos dirigeants de tenter de nous convaincre qu'une prise de pouvoir par les travailleurs menerait inevitablement a la dictature. Ils veulent nous convaincre qu'une revolution ouvriere est inconcevable et impossible. La Revolution russe pose donc un grave probleme. Une des solutions est de faire semblant que la revolution russe n'a pas eu lieu du tout. C'est ce qu'essaie de faire Richard Pipes dans sa nouvelle oeuvre, editee en tete de la nouvelle collection Connaissance de l'Est chez un des editeurs les plus prestigieux de France, et accueillie de forts applaudissements dans le Monde des livres comme "magistral et convaincant". La these centrale du livre est que, depuis 70 ans, les historiens ont eu peur de reveler la vraie nature du communisme, et que lui-meme est le premier a editer une histoire objective. En effet, l'histoire est nouvelle. Pipes jette a la poubelle une tres grande partie des historiens precedents de la revolution russe, sans meme mentionner leur nom, beaucoup moins polemiquer avec leur conception de la revolution. Ainsi, les grands historiens universitaires qui ont ecrit sur la revolution (Deutscher, Carr...) sont integralement ignores, ainsi que des dizaines de temoins et analystes contemporains (Reed, Zetkin, Ana Larina Boukharina, Rosmer, Serge, Balabanoff, Schliapnikov, Badayev...) Ces auteurs ne sont pas ejectes du debat dans l'interet d'une quelconque objectivite, mais parce que d'autres points de vue generaient la "demonstration" de la these centrale de Pipes : que la revolution russe etait un coup d'Etat cause par les defauts psychologiques et le soif de pouvoir de Lenine. Ainsi il nous met en place une demonologie en bonne et due forme : d'un cote des heros mal compris : le tsar Nicolas III ("dans le fond un brave homme... calme et timide, ecoeure par les ambitions des hommes politiques") ou Kornilov, le fasciste qui tenta un coup d'Etat en aout 1917, peu avant la revolution d'octobre (un homme qui "aime la liberte, mais pour lui la Russie vient en premier et la liberte en second."), et de l'autre Lenine, veritable monstre celui-ci, dont "L'elan politique ... resta toujours gouverne par la seule haine... sa version du socialisme consista des le debut en une doctrine de la destruction." La vision de Lenine donnee par Pipes ne tient pas un instant devant une lecture des temoignages de l'epoque, ni des oeuvres de Lenine, (par ailleurs extremement peu citees dans ce livre). A titre d'exemple, Pipes pretend que Lenine etait "par essence incapable du moindre compromis". Mais Lenine a ecrit un livre entier (Une maladie infantile : le communisme "de gauche") pour detruire les arguments des revolutionnaires qui refusent systematiquement tout compromis. dans ce livrte, il ecrit "rejeter par principe les compromis ... est infantile... il y a des types differents de compromis. Il faut savoir analyser et comprendre les conditions materielles de chacune." Ce n'est qu'un exemple. Les contre-sens, incomprehensions et mensonges se comptent par centaines dans ce livre. Ainsi selon Pipes, Trotsky ne pouvait pas remplacer Lenine car il etait Juif, et les russes par nature anti-semite (n'empeche qu'il a ete elu en 1905 president du soviet de Petrograd). ANTI-HISTOIRE Ce ne serait pas si grave, s'il ne s'agissait que de la diffamation d'individus. Mais Pipes n'est pas seulement anti-marxiste. Il est anti- histoire : l'histoire chez lui se reduit en une lutte entre personnes. Incapable de comprendre les diferences politiques entre les mencheviques (qui soutinrent la premiere guerre mondiale) et les bolcheviques (qui s'y opposerent), il cherche a demontrer qu'il y a eu scission entre les deux parce que Lenine n'aimait pas les chefs de l'autre tendance. Toute idee que les forces politiques qui agissent pour changer ou preserver un ordre social sont un reflet des conflits materiaux entre classes sociales aux interets opposes est ecartee d'un revers de main. Et avant tout il affiche un mepris profond pour les travailleurs et les opprimes en general. La mort de 89 000 russes en Mantchourie a cause des ambitions coloniales du tsar merite une phrase dans le livre. Les 1.3 million de morts et 5 million de blesses (parmi les seuls russes) dans la premiere guerre mondiale prend un paragraphe, le "meurtre de la famille imperiale" du tsar couvre 40 pages !! Et la revolte des soldats paysans devant le massacre dans les tranchees est traitee dans cette phrase revelatrice : " tout relachement de la discipline dans l'armee, tout signe d'agitation dans le villages, risquait de reveler, sous l'uniforme, la racaille." Par ailleurs, toute tentative de s'opposer a cette guerre meurtriere est qualifiee par Pipes de "hysterique" "criminel", tandis que la tentative de Kornilov de mettre en place une dictature militaire est decrite comme "frolant l'impertinance"!! ENCYCLOPEDIE Tout cela est rendu respectable en rajoutant des centaines de pages d'informations encyclopediques decrivant des aspects differents de la societe russe de l'epoque. 90% de ceci est sans interet : le detail des mouvements dans les campagnes militaires de la premiere guerre... D'ailleurs les prejuges de Pipes sont si fortes que le lecteur averti finit parne plus faire confiance meme aux faits que citent Pipes. Et Pipes revele une incapacite siderante de contextualiser ses sources. Il cite des auteurs qu'il approuve, mais sans dire, pour ce qui est des contemporains de la revolution, qui ils sont, quelle etait leur appartenance politique, etcetera, information sans laquele il est impossible de juger leur opinion. Cette contextualisation essentielle est remplacee par des formules faussement naive du genre "Savinkov, qui connaissait bien les hommes, dit que..." Pipes est le Francois Furet, mais en moins sophistique, de l'historiographie de la Revolution russe, et le fait qu'il ait pu avoir l'aval des Presses Universitaires de France reflete la force de l'anticommunisme primaire dans ces milieux. Il est un combattant pour l'ordre actuel, d'un point de vue proche de la nouvelle droite radicale. Sa seule merite est d'en etre conscient. "L'enjeu de la controverse" ecrit-il dans l'introduction, "n'est pas seulement ce qui s'est produit dans le passe, mais aussi ce qui se produira peut etre a l'avenir." A nous de mettre en oeuvre ses pires cauchemars. John Mullen John Mullen SI FRAnce --- from list marxism-thaxis-AT-lists.village.virginia.edu ---
Display software: ArchTracker © Malgosia Askanas, 2000-2005